Confronter les émotions refoulées

Au Julio Art Space, à Paris, une exposition poignante, conçue par les étudiant·e·s de deuxième année en Bachelor Arts Management, confronte les visiteur·euse·s à une question essentielle : Que deviennent les émotions que l’on nous a appris à réprimer ? Intitulée « Nos émotions n’étaient pas censées survivre », l’exposition propose une méditation sensible sur le soin, la vulnérabilité et le pouvoir transformateur de l’expression artistique.

Au cœur de la vision curatoriale se trouve une réappropriation radicale de la fragilité comme force. Dans de nombreuses sociétés, la vulnérabilité, souvent associée au féminin, est considérée comme une faiblesse, quelque chose à cacher ou à surmonter. Cette exposition, au contraire, s'y oppose fermement. Elle affirme que prendre soin n’est pas seulement un acte, mais aussi un langage : intime, intuitif et profondément humain.

Élever l’émotion au rang de nécessité

S’inspirant du puissant essai d’Audre Lorde, Poetry is Not a Luxury, l’exposition élève l’émotion au rang de nécessité vitale. De la même manière que Lorde décrit la poésie comme un outil d’éveil et de transformation, les œuvres exposées agissent comme des poèmes visuels : des expressions délicates mais affirmées, rendant l'invisible visible. À travers leurs pratiques, les artistes façonnent leur propre langage, issu de la matière brute de l’expérience vécue.

Tisser une toile de soin

L’exposition présente les œuvres d’Irene Abello, Odonchimeg Davaadorj et Bruna Vettori, trois artistes dont les voix résonnent avec clarté et tendresse. Chacune explore les thèmes du traumatisme, de la guérison et de la psyché féminine, tissant une toile de soin qui transcende les frontières et le temps. Leurs créations ne sont pas seulement des expressions artistiques, mais deviennent aussi des vaisseaux de mémoire collective et de résonance émotionnelle.

Abello, Davaadorj et Vettori ne se contentent pas de présenter leurs récits : elles nous y invitent. À travers installations, dessins et techniques mixtes, elles tendent aux spectateur·rice·s un miroir pour leurs propres expériences silencieuses. Les œuvres vibrent d’une force discrète, suivant les lignes du chagrin et de l’espoir, de la perte et du renouveau. Ce ne sont pas des œuvres qui crient ; elles murmurent — et c’est précisément dans ce murmure qu'elles captent toute notre attention.

Construire un sanctuaire émotionnel

De cette exposition émerge une sorte de sanctuaire : un espace émotionnel où la douceur est valorisée et où la communauté se tisse par la reconnaissance mutuelle. À mesure que les visiteur·euse·s parcourent l’espace, ils·elles ne sont pas de simples observateur·rice·s, mais deviennent participant·e·s d’un processus continu de soin. L’exposition devient alors une forme d'expiration collective, un rappel que survivre à ses émotions est un acte de résistance, et que dans la fragilité réside une force silencieuse mais persistante.

« Nos émotions n’étaient pas censées survivre » est bien plus qu’une exposition. C’est un geste de solidarité, un rituel de guérison et une affirmation courageuse : les émotions méritent d’être vues, ressenties et honorées.