Les 120 antiquaires et galeristes du Carré Rive Gauche ouvrent leurs portes aux amateurs d’art et aux promeneurs jeudi 6 décembre à partir de 18h. A cette occasion découvrez la brève du Carré Rive Gauche, réalisée par les étudiants de première année Marché de l’art dans le cadre du partenariat entre l’IESA et l’Association des antiquaires du Carré Rive Gauche.
Le Carré Rive Gauche
Depuis les années 60, le Carré Rive Gauche ne cesse d’accueillir de nombreux professionnels, séduits par son histoire, mais surtout pour son atmosphère conviviale.
Les rues des Saints-Pères, de l’Université, du Bac et le quai Voltaire délimitent ce lieu atypique, qui fut jadis les jardins de la Reine Margot. Si vous levez les yeux, vous remarquerez sans doute avec délectation quelques vestiges d’époque, dont des hôtels particuliers construits au XVIIe siècle. Prestige, prestige !
Aujourd’hui, on dénombre plus de 150 galeries. Elles sont nombreuses à avoir acquis une renommée internationale et certaines ont pignon sur rue depuis plusieurs générations déjà. Ensemble, elles offrent un véritable panel d’objets d’art, fruits de toutes les époques, mais aussi de toutes les géographies. Que vous soyez collectionneurs ou simples promeneurs, nul doute que votre curiosité trouvera toujours de quoi être rassasiée.
Indépendants au départ, certains commerçants décident de se fédérer en 1978, pour créer l’Association du Carré Rive Gauche. Parmi eux : Olivier Delvaille, fils de Josette Delvaille, propriétaire d’une des plus anciennes boutiques. Composée de galeristes et d’antiquaires, elle privilégie la qualité et l’ancienneté des objets. De plus, elle représente un acte de confiance pour la clientèle. L’Association organise régulièrement des événements pour promouvoir et dynamiser le quartier. Les festivités commencent au printemps avec les 5 jours de l’Objet d’Art, et se terminent en décembre à l’occasion de la Saint-Nicolas. En juin dernier, on célébrait les 30 ans du Carré Rive Gauche, preuve de son renouvellement perpétuel et de sa vivacité.
Mais si le Carré vit, c’est d’abord et surtout grâce au public, et chacun compte sur lui pour que son activité se poursuive et s’amplifie.…L’histoire ne fait que commencer.
Coraline Dufois, Sophie Mahon, Aurélie Metayer
Antoine Laurentin, souvenir d’un Kandinsky
23 Quai Voltaire
Antoine Laurentin, marchand de tableaux et collectionneur du Carré Rive Gauche, nous a reçu pour nous raconter l’un des plus puissants souvenirs de sa carrière.
Il s’agissait d’une huile de 1913 signée Wassily Kandinsky : Cercle rouge. Ce genre d’acquisition pose un dilemne terrible pour un passionné, et Antoine Laurentin devait faire son choix. Garder le tableau au sein de sa collection personnelle ou, plus raisonnablement, le vendre, la cote de l’artiste russe étant parmi les plus élevées au monde. Le tableau était extraordinaire. Il avait, explique le marchand, un réel pouvoir de fascination tant sur lui-même que sur les visiteurs de la galerie. Doté d’un fond noir sur lequel se détachaient deux grands cercles rouges, il hypnotisait littéralement ses spectateurs et, même, évinçait les œuvres alentours. Cette association de formes, de couleurs, avec cette épure à la fois très zen et très complexe, était la marque de fabrique de Kandinsky. Elle posait, confie Antoine Laurentin, une question métaphysique et nous élevait à un niveau supérieur : celui de la réflexion intellectuelle.
Mais, il fallut vendre la toile. Un crève-cœur que beaucoup de marchands d’art doivent se résoudre à faire. Ils sont ainsi souvent tiraillés entre le désir de garder l’œuvre pour leur propre collection et l’opportunité de trouver un acquéreur, avec l’espoir de débusquer une pièce encore plus exceptionnelle dans l’avenir. Malgré les années qui se sont écoulées, ce tableau demeure l’œuvre la plus envoutante qui ait été donnée à voir à Antoine Laurentin. Il restera à jamais un grand souvenir. Et un joli regret, aussi !
Stéphanie Deydier
Catherine Canavese, une femme très Carré !
23, rue des Saints-Pères
A l’occasion de la Saint-Nicolas, le Carré Rive Gauche fête de nouveau à sa façon ses 30 ans de partenariat. Catherine Canavese, marchande, nous ouvre chaleureusement les portes de sa galerie rue des Saints-Pères pour nous livrer quelques-uns de ses secrets…
Catherine est entrée dans le monde des arts par la petite porte ; après avoir écumé les marchés aux puces de la capitale pendant près de 20 ans, elle ouvre enfin en juin 2001 sa propre galerie du 6 rue des Saints-Pères, fief des antiquaires parisiens : « J’ai longtemps bataillé avec l’ancien propriétaire qui avait des regrets à céder l’emplacement qu’il occupait depuis plus de 27 ans. Je ressentais vraiment le besoin de vendre de la meilleure qualité à une clientèle plus avertie », nous confie-t-elle. Dès lors, elle oriente davantage sa collection vers le mobilier et la peinture du XIXe et du XXe siècle et va toucher depuis sept ans une clientèle de plus en plus hétéroclite.
« Ce qui a changé ? Moins d’Américains mais une clientèle d’étrangers plus diverse et surtout en quête de connaissances ; ils achètent surtout par coup de coeur. » A ce propos, elle évoque une anecdote récente avec un client : « De retour aux Etats-Unis, le monsieur me passe un coup de téléphone pour confirmer l’achat d’une œuvre et s’aperçoit, juste avant de raccrocher qu’il avait oublié de m’en demander le prix… » Quand on aime, on ne compte pas !
Catherine Canavese n’est pas seulement une associée, elle fait partie du bureau du Carré Rive Gauche depuis son arrivée : « Un partenariat avec le Carré nous permet une meilleure reconnaissance aux yeux du public, et en quelque sorte une garantie d’achat. On s’y fait connaître aussi davantage grâce à des événements et des promotions que le bureau essaye de créer tous les ans avec le budget qui nous est imparti. »
Pourtant, être une femme au sein de ce milieu n’a pas toujours été facile. « J’ai dû me battre davantage, les femmes ont moins le droit à l’erreur et aujourd’hui encore, certains clients font surtout confiance à nos homologues masculins. »
Assurément, avec Catherine Canavese, les temps vont changer !
Justine Marvanne, Marion Sailhen
Des curiosités pour les curieux du Carré
Galerie Vauclair - 36, rue de l’Université
Une fois la porte franchie, nous nous émerveillons des mille et une curiosités de Laurence Vauclair. Cette petite galerie du Carré Rive Gauche, d’habitude spécialisée en barbotine, s’est transformée le temps d’un hommage en un formidable cabinet de curiosités.
En effet, Brigitte Benderitter, figure emblématique du carré rive Gauche, grande « papesse » des éditions Gallimard, adorée des journalistes, disparaissait le 13 février 2007. Elle laissa derrière elle les trésors qu’elle avait accumulés tout au long de sa vie. De la poignée de cercueil d’enfant aux ailes d’ange en plume d’oie, en passant par un écureuil empaillé qui tient malicieusement une noisette entre ses mains, on ne sait plus où donner de la tête : la galerie Vauclair prend vie !
« Brigitte, lorsqu’elle allait déguster sa coupe de champagne quotidienne prenait plaisir à passer devant la galerie. Son grand jeu, poursuit Laurence, était de deviner le prix des objets. » Nul doute que si elle avait jeté un œil à la vitrine aujourd’hui, c’eût été avec bonheur qu’elle aurait découvert les deux magnifiques grues royales qui y trônent. Cerise sur le gâteau (ou fraise dans le champagne !) : elles sont baptisées avec amour – et humour – Brigitte et Laurence.
Ainsi, du 23 novembre au 18 janvier, la galerie Vauclair met parallèlement en vente sa propre collection d’éphémères et celle de Brigitte Benderitter. Pour notre plus grande joie pendant la période de la Saint-Nicolas.
Danielle de Charnacé, Samantha Bergen, Louis Blanc Francard
Sur les pas du Moyen-Âge… un détour par la galerie de Jacqueline Boccador
1, Quai Voltaire
Une immense bibliothèque se dresse au fond de la pièce. Partout sont accrochées des tapisseries médiévales. Des sculptures religieuses semblent nous fixer, le tout dans une ambiance très intime.
La connaissance, l’histoire et le passé semblent flotter dans l’air de la pièce, presque sacrée, si bien que nous avons l’impression de faire un saut dans le temps. Assise au bureau, une femme est en train de remonter une vieille horloge. Assurément, nous sommes chez Jacqueline Boccador, expert en art du Moyen-Âge et de la Renaissance.
Lorsque Jacqueline Boccador commence à parler, la magie du lieu opère davantage encore. Tout en vous racontant la lignée des rois de France, elle explique ce qu’est l’apprentissage de l’histoire : un lien étroit avec l’appréciation des oeuvres d’art.
Elle affirme encore que le plaisir esthétique n’est pas toujours explicable. Une illustration : Elle se passionne pour un sculpteur du XVe siècle, Jean Della Huerta, imagier du Duc de Bourgogne. Certes il s’agissait d’un artiste sans grande renommée. Mais elle ne s’explique pas l’amour qu’elle lui porte, preuve que le goût, en matière d’art, est foncièrement subjectif. Par le simple exercice de sa passion, elle redonne corps et vie à un créateur du Moyen-Âge. C’est ainsi que, à travers quelque œuvre d’art que ce soit, Jacqueline Boccador sait retracer l’histoire et nous invite à faire de même.
Alizée Le Pannérer, Clémentine Lavernhe, Karina Popova, Cindy Epiard
Exposition Paul Toupet, du 6 décembre 2007 au 12 janvier 2008
Galerie Debruille-Zlotogora, carrément épanouie…
3, rue de Lille
C’est dans cette galerie, rue de Lille, située en plein cœur du Carré Rive Gauche que Luc Debruille et Alain Zlotogora, deux associés et amis, ont créé un espace orienté sur le mobilier XXe. Luc, dans les lieux depuis six ans, exerçait avant aux Puces de Saint-Ouen.
Quant à Alain, il possédait un espace au Louvre des Antiquaires. Ce dernier nous raconte : « J’étais aux Arts Déco, et en réalité le Louvre ne me correspondait pas tout à fait. Le quartier est très cher, et j’avais l’impression de posséder une sorte de stand de luxe aux Puces, trop à l’étroit et en permanence en vitrine, comme si je travaillais dans un aquarium ! Dans une galerie, l’ambiance est tout à fait différente, on s’y sent comme chez soi. Avec Luc, on a essayé de présenter des choses qui nous correspondaient : de son côté il était plutôt 40-50, j’ai suivi et maintenant on travaille avec des choses plus modernes.
Le principal atout du Carré, c’est un sentiment de proximité généralisé. On nous connaît, on revient nous voir, il y a ici un réel type de clientèle et de marché. Karl Lagerfeld, par exemple, qui a son QG juste à côté, est un client très intéressé par les Arts Décoratifs. Et bien qu’il ait eu plusieurs collections, ça nous est arrivé de lui vendre des œuvres, et de les retrouver dans des magazines sur une de ces photos. Un jour, même, il est arrivé en Hummer avec toute sa petite troupe, dont un mannequin, qui a posé devant l’expo d’un artiste japonais de notre galerie. C’est une personne très agréable au niveau du travail, simple, intéressé et attentif aux évolutions de nos collections. Il fait partie des personnes que l’on côtoie avec plaisir au Carré Rive Gauche. »
On serait prêt à rendre le compliment à notre hôte. Rendez-vous est pris pour une coupe de champagne !
Propos recueillis par Julia Mancini et Zakaria Jabar.
19h : Fin de journée au Carré
Atmosphère, atmosphère…
Le principe d’un galeriste du Carré ? Toujours le même : Je ne compte pas mon temps. Voilà pourquoi les rideaux tombent souvent plus tard que l’heure affichée en devanture. Mais qu’importe ! Chacun sait que l’un ou l’autre attendra, dans un angle du Café des Saints- Pères autour du pop-corn salé – un rituel obligé.
L’ambiance simple et conviviale des lieux permet aux professionnels du marché de l’art de discuter entre eux : « Je préfère acheter quelque chose qui me plaît plutôt que d’avoir à défendre quelque chose que je n’aime pas » lance l’un ; « As-tu repéré les toiles de tauromachie à Drouot ? Tu devrais aller voir ! » rétorque l’autre. Toute occasion est bonne pour prolonger la journée. Pas de répit pour les passionnés ! Chacun vit la pause post fermeture aux Saints- Pères comme il l’entend. Quoique… Il faut reconnaître que, ces dernières semaines, les conversations débouchent invariablement sur la soirée du 6 décembre : « T’en es où toi pour la Saint-Nicolas ? » ; « Vous avez vu les affiches pour l’expo Paul Toupet à la galerie Debruille ? Luc, il a fait fort quand même ! »
Assurément, ces amoureux de l’art ont le privilège d’avoir développé deux sens jusqu’à la perfection. La vue d’abord : un regard particulier sur l’objet évidemment, mais aussi un oeil bienveillant sur ceux qui partagent le même amour. Le toucher ensuite : l’antiquaire est quelqu’un qui palpe, caresse, retourne l’objet pour partager ce rare moment d’apprentissage transmis par la matière et le talent de l’artiste.
L’âme de la Rue de Lille paraît errer dans le café. Elle s’incarne en chacun des galeristes qui y éclusent un verre. Tendez l’oreille… Peut-être entendrez-vous leurs voix… Mais avant ce doux moment de repos, il y a eu toute une journée à assumer : accueillir le promeneur curieux, partager son savoir… et préparer la soirée de la Saint-Nicolas. N’imaginez même pas l’état des sous-sols, des arrière-boutiques ou des entrepôts à l’approche d’un tel événement ! Pièces amassées, ici ou là, sont prêtes à célébrer leur jour de gloire, bien à l’honneur au milieu des vitrines, et à portée des regards. Ouvrez les yeux !
Camille Bruneau, Caroline Tallard
Interview de Carlos Moïta, ancien étudiant de l’IESA
29, rue de Lille
D.Room est née de la rencontre entre deux passionnés, Carlos Moïta et Edouard Demachy lors du mondial de l’Antiquité des puces de Saint-Ouen. Ces deux galeristes complémentaires qui se disent « venus des puces » ont trouvé la clé d’un avenir prometteur. Café et table basse tankette assistent à notre agréable échange avec l’un d’eux. C’est avec fraîcheur et décontraction que Carlos Moïta a répondu à nos questions.
D.Room est un nom pour le moins original… D’où vient-il ?
Lorsque Edouard et moi travaillions quai Voltaire, nous n’avions qu’une seule pièce. C’était vraiment restreint (rires). Voilà pourquoi on a voulu appeler nos galeries, qui se trouvent aux Puces et au Carré Rive Gauche « D.Room » comme « la pièce ». C’était une référence à nos débuts, de même que le logo qui représente une clé.
Vous avez plein d’objets atypiques dans votre galerie. Quel est celui que vous présenterez pour la Saint-Nicolas ?
Un grand plat de Gilbert Portanier, qui est un célèbre céramiste du XXe siècle. On l’a chiné il y a peu de temps et c’est la première fois qu’on expose chez nous une production de cet artiste. C’est une très belle pièce en terre cuite, peinte et tout en relief.
Le Carré Rive Gauche a une réputation internationale d’antiquités de luxe. Les Arts décoratifs du XXe trouvent-t-ils leur clientèle ?
Oui, le mobilier XXe trouve progressivement sa place. Cette époque touche – il est vrai – une clientèle plus jeune et plus large. D’ailleurs, depuis un an, on compte six ou sept jeunes galeries qui viennent de s’ouvrir, cela démontre bien qu’il y a une demande. Mais, le Carré Rive Gauche reste malgré tout un espace de luxe et une certaine clientèle n’ose toujours pas s’y aventurer. Elle préfère certains coins de Paris, comme Saint-Germain-des-Prés, qui paraissent plus accessibles et plus contemporains. Ce sont des événements comme la Saint-Nicolas qui aide le Carré à amplifier sa dynamique.
Interview réalisée par Juliette Giovannoni, Leonore Vassor, Morgane Bouland, Charlotte Desvaux
Plaques d’Alcora, 1727-1749.
21, Quai Voltaire
Michel Vandermeersch, expert et galeriste en céramiques anciennes de père en fils au Carré, nous évoque son plus beau souvenir :
« J’ai d’abord monté une collection de 80 pièces d’Alcora pour un client. Celle-ci incluait deux pièces rarissimes représentant des scènes du Don Quichotte de Cervantès. Je l’ai ensuite aidé à s’en séparer mais en veillant à ne pas disperser cet ensemble cohérent et, pour tout dire, exceptionnel ! En effet, afin de conserver la collection dans son intégralité, j’ai contacté l’Hispanic Collection Museum. Mais, faute de moyens, le musée ne pouvait acquérir le tout. Le musée détenait une Vierge en ivoire du XIIIe siècle, prêtée au Metropolitan Museum, Après des discussions et des désaccords, le Metropolitan finit par acheter la Vierge, qui permis à l’Hispanic Collection Museum de financer l’achat des Alcora. C’est ainsi que je suis parvenu à vendre cet ensemble sans altérer son homogénéité et, par conséquent, sa valeur patrimoniale. Et voila comment cette collection fabuleuse, constituée pour des mains privées à l’origine, est désormais accessible à tous ! »
Propos recueillis par Valentine Beraud-Sudreau, Mathilde de Chasteigner, Candice de l’Epine et Adèle Gorgatchev.
Les étudiants de l’IESA remercient le bureau de l’association Carré Rive Gauche ainsi que tous les antiquaires et galeristes qui les ont reçus et conseillés.
Ils vous donnent également rendez-vous en mai pour les trois jours du Carré Rive Gauche où, comme l’an passé, ils organiseront des parcours pour découvrir les spécialités du Carré et les antiquaires et galeristes qui les représentent en différentes langues (allemand, anglais, chinois, coréen, italien, russe, etc.) le dimanche à 11 heures et à 15 heures.
N’oubliez de rendre visite aux anciens étudiants de l’IESA qui travaillent dans le Carré Rive Gauche
Marie-Alexandrine Yvernault • Leila Badr • Virginie Hagué • Olivier Lamy-Chabolle • Carlos Moita • Jean-Philippe Horard • Nicolas Grégoire • Bénédicte Nègre • Cyrille Poitier • Xavier Delesalle • Vincent Hourton.