Zakiya Tamaghlift

 AKAL  ⴰⴽⴰⵍ L’Art Amazigh Contemporain

Quelle formation suis-tu à l’IESA ? Est-ce ta première année à l’école ?

Je suis en 3e année de Bachelor Productions Culturelles Cinéma et audiovisuel, c’est ma 3e année au sein de l’IESA.

Tu prépares un projet d’étude ambitieux peux-tu nous présenter ce projet et dans quel cadre de ta formation il s’intègre ?

En 3e et dernière année de bachelor chaque étudiant doit réaliser un projet culturel de son choix (exposition, concert, événement caritatif, documentaire, etc.) afin d’obtenir son diplôme. C’est donc dans ce contexte que je me lance dans la réalisation de mon premier documentaire nommé Akal ⴰⴽⴰⵍ. Ce documentaire dressera les portraits d’artistes plasticiens, musiciens, photographes, peintres et danseurs d’origines amazighs. Je souhaite aller à leur rencontre, afin de comprendre et mettre en valeur, comment ils retranscrivent leur Amazighité à travers leurs spécialités artistiques. Je veux mettre en lumière ce qui les anime, leur engagement, les obstacles et les opportunités qu’ils rencontrent.

Akal (qui signifie « terre » en berbère) est le nom que j’ai choisi pour ce documentaire. Je suis Franco-Marocaine et Berbère, il était nécessaire pour moi de lier mes racines à ce projet. En effet, ayant été imprégnée toute ma vie par le multiculturalisme, je souhaite faire connaître davantage ma culture d’origine et les acteurs de son rayonnement. Utiliser l’art comme fil conducteur est pour moi une évidence, car j'ai été bercée, depuis ma plus tendre enfance, par la joute verbale et la poésie berbère. Ce sont ces arts oratoires qui ont permis à ma famille de garder un lien avec leurs racines et, par la même occasion, cet art a éveillé chez moi l'envie d'en apprendre davantage sur mes origines et son histoire. La réalisation de ce documentaire m’anime, car il est pour moi un voyage initiatique à la redécouverte de mes racines. J'ai toujours rêvé d'être historienne ou anthropologue, ce projet permet de réaliser mon rêve d'enfant par le biais de l'image.

Ce documentaire est un voyage initiatique sur fond de musique Amazigh, il sera rythmé par des plans de paysage des différentes régions du Maroc que nous allons découvrir pour aller à la rencontre des artistes. Je passerai par Tamdakht et le Ksar Ait Ben Haddou, je remonterai vers Agadir et Azilal et terminerai ce voyage à Paris ; point de départ qui a vu naître ce projet.

Pour les néophytes peux-tu nous expliquer qui sont les Amazighs ? D’où viennent-ils ? Pourquoi se nomment -ils ainsi ?

Les Amazighs sont aussi connus sous le nom de Berbères. Les Berbères, dont la présence est antérieure à l’arabisation et à l’islamisation, se nomment eux-mêmes « Imazighen », pluriel d’« Amazigh », qui signifie « homme libre » dans leur langue, le tamazight. Ils se situent majoritairement au Maghreb : Maroc, Algérie, Tunisie et Libye, où ces populations revendiquent une plus large reconnaissance identitaire et culturelle. Après les conquêtes arabes qui ont débuté au VIIe siècle, l’Afrique du Nord s’est lentement arabisée, mais la population amazighe présente bien avant s’est maintenue dans des zones comme les campagnes, les montagnes et les oasis. Une quarantaine de dialectes dérivent du berbère ancien : le chleuh et le rifain au Maroc, le kabyle et le chaoui en Algérie. Seuls le Maroc et l’Algérie ont reconnu au berbère le statut de langue officielle au même titre que l’arabe. La culture amazighe est riche, et elle me semble complètement méconnue ici en France.

Pour beaucoup de personnes, il est difficile de voir la singularité de chaque culture quand il s’agit du Maghreb et de l’Afrique en général. On m’a souvent catégorisée comme arabe, or je ne le suis pas. Je déconstruis cet amalgame autour de moi, car ce manque d’information et de connaissance catégorise les individus et les enferme dans des carcans dans lesquels ils ne s’identifient pas. Je ressens un élan de revendication concernant les appartenances culturelles des jeunes de ma génération à travers l’art. C’est une revendication positive, ce n’est pas un rejet des valeurs de notre pays de naissance ou d’accueil, c’est une envie et parfois un besoin pour certains de faire valoir cette autre facette de ce qui nous construit culturellement, intellectuellement et d’un point de vue identitaire. En France, les débats sur l’intégration dite « nécessaire au vivre ensemble » des minorités, imposent une certaine homogénéité de la population, or, je pense que nos différences sont une source de richesse. Elles permettent de débattre, de se cultiver, de s’instruire et d’être tolérant face aux différences des autres. À mon sens le moyen audiovisuel à une valeur universelle qui nous réunit le temps d’une projection et autour d’un sujet. C’est pour cela que je veux lier mes origines à mes études dans l’audiovisuel afin de faire découvrir la culture Berbère à travers mon documentaire.

Peux-tu nous présenter comment tu procèdes pour la réalisation du tournage jusqu’à la post production ?

Il a fallu tout d’abord penser le projet, le concept, trouver ce dont j’avais envie de parler et puis ensuite accepter de relever ce défi. Je n’ai jamais rien réalisé, et je me lance dans un documentaire au Maroc, c’est une vraie aventure ! J’ai rapidement trouvé mon sujet et les artistes berbères que je souhaite mettre en avant : Aissa Joud, Omar M’Hamedi, Jubantouja, Raïssa Leï etc. Je leur ai proposé mon projet et ils ont accepté l’invitation. J’ai ensuite réussi à m’entourer d’une petite équipe : coordinatrice de production, structure juridique, maison de production locale, directrice de la photographie. Il me tient à coeur d’allier la France et le Maroc pour ce projet, tous les membres de mon équipe ont des liens avec mes deux pays.

C’est aussi une aventure familiale, mon cousin est le fondateur d’une petite Maison de production basée à Agadir au Maroc, et il va m’accompagner pour chaque étape du documentaire : le repérage des lieux, les deux semaines de tournage dans le sud du Maroc, la post-production. Nous sommes tous les deux passionnés par l’audiovisuel et nous évoluons chacun dans ce milieu professionnel. Pour ma part, je suis en alternance dans une maison de production parisienne. C’est un vrai plus d’avoir quelqu’un de confiance directement là-bas. J’ai déjà mes repères au Maroc, j’y parle la langue, je connais la philosophie de vie etc. Cela fait déjà tout de suite moins peur à l’idée de tourner à l’étranger.

En plus de tout cela, il a fallu penser concrètement le documentaire en tant que réalisatrice : le synopsis, l'argument (pitch), les plans que j’ai en tête, les mouvements de caméra, ce que je souhaite transmettre comme émotions, les interviews avec les artistes.C’est un nouvel exercice pour moi que j’apprécie beaucoup. Il y a également toute la partie production où je suis épaulée par une ancienne étudiante de l’IESA : réaliser un budget prévisionnel, définir nos besoins techniques, l’itinéraire du tournage sur deux semaines sachant que nous avons différentes villes au Maroc où tourner, trouver des financements. Sur ce dernier point, nous avons pris la décision d’ouvrir une cagnotte participative pour financer les grands axes du projet (transport, location du matériel, post-production). C’est une prise de position car nous pensons que ce documentaire est nécessaire pour mettre en avant une culture peu connue. Il y a un sentiment de fierté au sein de la communauté maghrébine/marocaine/amazighe, et nous avons également le soutien d’un public qui connaît peut-être moins voir pas du tout cette culture et qui est curieux de la découvrir.

C’est intéressant de pouvoir rallier deux publics autour de ce sujet qui m’est si cher. Si vous souhaitez participer au financement du projet, voici le lien de la cagnotte :

https://www.okpal.com/aide-financement-documentaire-akal-l-art-berbere/u...

Que t’as apporté l’IESA dans la mise en oeuvre du projet ?

Nous avons un suivi avec un professeur référent qui est notre “coach” et nous guide durant toutes les étapes du projet, nous pouvons lui poser toutes nos questions et il nous conseille sur notre cheminement. Je suis aussi en lien avec une ancienne étudiante qui a elle-même réalisé un projet en rapport avec le Maroc l’année dernière et que j’avais rencontré lors de son événement. Le fait d’avoir des (anciens) camarades qui évoluent tous dans ce milieu est bénéfique, car il y a toujours quelqu’un qui connaît et qui peut nous aider.

Quels sont les plus de l’école ?

Le fait d’avoir la possibilité de réaliser son propre projet est un plus, même si cela effraie tous les élèves et moi y compris. C’est quelque chose de très important, car c’est l’aboutissement de trois ans d’études mais aussi le premier gros projet professionnel dans lequel je me lance et avec lequel je vais peut-être débuter une carrière ! Être entourée de professeurs qui sont des professionnels des métiers de la culture est un plus également. Ils savent de quoi ils parlent et ont des contacts et des ressources pour nous aider.